Par Mamadou Sèye
A ce jour, aucune juridiction sénégalaise n’a formellement inculpé Doudou Ka. Aucun réquisitoire définitif, aucun acte d’accusation public, encore moins une condamnation. Il n’y a, dans le dossier connu de l’opinion, rien de juridiquement établi qui permette de l’accuser de manière crédible et responsable. Et c’est un fait qu’il faut marteler, car nous sommes dans un Etat de droit, où la présomption d’innocence n’est pas une faveur : c’est une exigence.
Mais au-delà des textes et des principes, il y a l’attitude, il y a le comportement, il y a le message envoyé au peuple. Et c’est là que les choses se compliquent. Ce n’est pas tant ce que l’on sait de lui qui trouble, c’est ce que lui-même choisit de ne pas faire.
Doudou Ka n’est pas en prison. Il n’est pas frappé d’un mandat d’arrêt. Il n’est même pas empêché de s’expliquer devant les juridictions de son propre pays. Pourtant, il est à l’étranger, manifestement en retrait, voire en fuite. Une fuite dont il est le seul à connaître la raison profonde. Il parle, certes. Il s’invite dans les médias, il se défend, il se positionne. Mais toujours à distance. Toujours dans la posture du justiciable qui s’absente du terrain judiciaire pour occuper le terrain médiatique.
Un homme convaincu de son innocence rentre. Il se présente, il affronte, il se justifie. Pas pour faire plaisir à ses détracteurs, mais pour montrer à ses compatriotes qu’il ne se dérobe pas. Qu’il n’a rien à craindre, car il n’a rien à se reprocher.
Là est tout le paradoxe. Ce n’est pas la justice sénégalaise qui semble courir derrière lui. C’est lui qui, sans y être sommé, semble vouloir lui échapper. En agissant ainsi, il ne fait que nourrir les spéculations les plus dévastatrices. Et dans un pays comme le nôtre, où le soupçon est plus rapide que l’instruction, il suffit d’un geste pour que naisse une conviction populaire — souvent irréversible.
Soyons clairs : fuir, c’est déjà perdre une part de sa cause. Et quand on a été ministre, quand on a porté les attributs de l’Etat, quand on a incarné un pan de l’autorité républicaine, on ne peut pas se permettre cette dérobade. Pas sans conséquences.
La justice n’a pas encore parlé, mais l’opinion, elle, commence à juger. Et ce qu’elle voit, c’est un homme qui évite. Qui recule. Qui, malgré les discours, semble douter de ses propres forces. Or, en politique, ce doute est un poison lent mais certain. Il sape la légitimité, il détruit la crédibilité, il isole.
Doudou Ka n’a pas encore été officiellement mis en cause. Mais il s’est déjà désavoué aux yeux de beaucoup, non par ses actes passés, mais par son incapacité à les défendre face à la justice de son pays. On ne lui reproche pas d’être accusé ; on lui reproche de ne pas assumer. Ce n’est pas une question de droit, c’est une question d’éthique. De courage. Et peut-être même, d’honneur.
L’histoire est pleine d’hommes injustement attaqués, mais grandis par leur capacité à faire face. Ce sont ceux-là que les peuples respectent. Ce sont ceux-là qui renaissent. Les autres s’éclipsent. En silence ou dans le vacarme stérile des plateaux de télévision.