Candidature d’Hamadou Hott à la BAD : le Sénégal n’a pas perdu, il a osé

PAR MAMADOU SÈYE

Une polémique inutile enfle autour de la candidature d’Hamadou Hott à la présidence de la Banque africaine de développement. Certains cherchent à opposer l’ambition personnelle à l’engagement de l’Etat, ou encore à faire croire à un désaveu diplomatique. Il est temps de déconstruire cette lecture biaisée. Car ce que le Sénégal a fait, en soutenant un des siens, c’est exactement ce que l’on attend d’un Etat responsable et stratège.


Il faut parfois savoir refermer des parenthèses qui n’auraient jamais dû être ouvertes. Depuis quelques jours, une petite musique tenace s’élève autour de la candidature d’Hamadou Hott à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD). On s’interroge : s’agissait-il d’une candidature sénégalaise ou simplement d’une ambition individuelle que l’Etat aurait rattrapée en cours de route ? Certains, par calcul ou par confusion volontaire, veulent faire croire que le Sénégal se serait engagé dans cette bataille à reculons, ou pire, en mode pilotage automatique. Il est temps de remettre les pendules à l’heure.

Oui, à l’origine, c’est bien Hamadou Hott, ancien ministre, ancien haut cadre de la BAD, qui a exprimé son intention de briguer la présidence de cette prestigieuse institution. Il l’a fait à un moment où les nouvelles autorités sénégalaises n’étaient pas encore installées. Il était membre de l’APR, avait été candidat à une mairie, et assumait son engagement politique. Mais cette ambition personnelle, si elle était restée solitaire, n’aurait eu aucun poids. Il fallait qu’elle soit embrassée par l’Etat. C’est exactement ce qui s’est produit.

Les nouvelles autorités, loin de verser dans une lecture partisane de la situation, ont pris de la hauteur. Elles ont soutenu la candidature d’un Sénégalais compétent, expérimenté, et crédible, sans se laisser enfermer dans des considérations politiciennes. Elles auraient pu balayer cette initiative d’un revers de la main, au nom de la rupture. Elles ont choisi, au contraire, la continuité institutionnelle dans ce qu’elle a de plus noble.

Et puis, qu’aurait-on dit si elles ne l’avaient pas soutenu ? Que le Sénégal sabote ses propres chances ? Qu’il règle des comptes domestiques dans des arènes internationales ? Le soutien était à la fois républicain, logique et stratégique. L’Etat du Sénégal n’a pas porté une personne, il a porté une candidature nationale. Et cela, même Hamadou Hott l’a publiquement reconnu, en remerciant chaleureusement les autorités sénégalaises pour leur appui indéfectible. Que veut-on de plus ?

Mais faut-il désormais que le Sénégal ne se porte candidat à aucun poste international sans avoir la garantie mathématique de la victoire ? Depuis quand le calcul remplace-t-il la diplomatie, l’audace, le leadership ? Le Sénégal n’a pas perdu. Il a osé. Il a affirmé une voix, engagé des réseaux, exprimé une vision. Il a participé à la dynamique continentale. Il a fait entendre sa musique, même si l’Afrique a dansé sur un autre tempo.

Le reste relève de l’arithmétique régionale. L’Afrique centrale s’est mobilisée pour l’un des siens. La CEDEAO a été moins compacte. La Mauritanie a su tirer les bons leviers. Cela s’appelle une élection. Pas une humiliation. Pas un échec diplomatique. C’est la réalité des rapports de force africains. Il faut les lire, pas les fantasmer.

Et que dire de la posture sénégalaise après l’élection ? Elle fut exemplaire. Digne. Mûre. Le hasard du calendrier a voulu que le Premier ministre Ousmane Sonko se trouve à Abidjan au moment où le verdict est tombé. Il n’a pas boudé le résultat. Il a reçu le candidat mauritanien vainqueur avec chaleur et respect. Il a déclaré que c’est l’Afrique qui a gagné. Ce geste vaut mille discours. Il montre une maturité politique rare : on peut perdre une élection et rester digne ; on peut saluer l’adversaire et honorer l’Afrique.

Il faut arrêter d’instrumentaliser cette séquence. Ce qui s’est passé est limpide : un citoyen sénégalais compétent a été porté par son pays, les autres Nations africaines ont tranché, et les autorités sénégalaises ont su tourner la page avec élégance. Ceux qui cherchent à tordre ce récit ne veulent pas comprendre que l’intérêt national transcende les appartenances politiques. Ils refusent de voir que le Sénégal change de posture. Moins d’invectives, plus de hauteur. Moins de calculs partisans, plus de vision continentale.

Dans cette affaire, chacun a joué son rôle avec responsabilité. Hamadou Hott a porté son ambition jusqu’au bout, avec dignité. L’Etat l’a soutenu sans frilosité. Ousmane Sonko a incarné la maturité politique. Le Sénégal, dans son ensemble, est sorti grandi. Il faut savoir le reconnaître. Et passer à autre chose.

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