Par Mamadou Sèye
Dans notre pays, plus de 95 % de la population se réclame de l’islam. Autant dire que la consommation d’alcool est, en principe, hors-jeu. En principe seulement. Rires.
Parce que si l’on se fiait aux statistiques des importations, on croirait presque que les bouteilles entrent au Sénégal pour… des raisons strictement décoratives.
Mais entre nous, les tonneaux ne mentent pas. L’alcool, lui, trouve toujours son chemin, même dans les sociétés les plus pieuses. Il circule discrètement, s’invite incognito dans certaines soirées “familiales”, se cache dans un gobelet anodin — avant de trahir son propriétaire par un regard flou ou un rire un peu trop appuyé.
Chez nous, on dit :
« Quand on boit en cachette, c’est l’alcool qui finit par parler. »
Et c’est bien vrai. L’alcool trahit toujours ceux qui veulent le cacher. Il n’a pas besoin de témoins ni d’aveux : il parle tout seul, à travers la démarche hésitante, la langue qui s’emmêle, ou le sermon religieux qui se termine par un hoquet. Rires.
Certains ont trouvé des astuces ingénieuses. Le verre de whisky devient “jus spécial”. Le champagne s’appelle “boisson importée”. Le vin ? “C’est pour le sang.” Tout un art de la dissimulation, une créativité qui mériterait presque un prix de l’Académie.
Mais à chaque fois, l’histoire finit pareil : au bout de quelques verres, les masques tombent. L’ébriété, elle, ne connaît ni hypocrisie ni retenue. Elle est bavarde, sincère, brutale même. Elle dit ce que le buveur cache, elle montre ce que la société tait.
L’alcool, au fond, c’est le miroir impitoyable de notre double vie collective : pieuse le jour, festive la nuit. Et dans ce grand théâtre des apparences, il se charge toujours, tôt ou tard, de faire tomber le rideau.
Alors oui, camarade, on peut boire en cachette, mais jamais en paix.
Parce que tôt ou tard, la bouteille finit par parler — souvent plus fort que celui qui l’a vidée.
Et c’est là que la sagesse populaire nous rattrape :
« L’alcool trahit toujours ceux qui le boivent en cachette. »