Dialogue national, refonder le pacte social : l’heure de vérité

Par Mamadou Sèye


Le Dialogue national qui s’ouvre ce mercredi 28 mai intervient dans un contexte de bascule. Tandis que la justice accélère son œuvre, y compris à l’égard de proches de l’ancien régime, des figures importantes de l’APR choisissent de s’asseoir à la table du dialogue, rompant avec le mot d’ordre officiel de boycott. Plus qu’une concertation, ce rendez-vous national porte l’ambition d’un nouveau pacte social. Saurons-nous le réinventer avec lucidité et grandeur ?


Le Sénégal vit une phase de recomposition accélérée. Alors que s’ouvre ce mercredi 28 mai le Dialogue national convoqué par le Président de la République, les signes d’un tournant se multiplient. La justice, sans trembler, vient de placer sous mandat de dépôt une figure de proue de l’ancien pouvoir, Mansour Faye. En parallèle, plusieurs responsables majeurs de l’Alliance pour la République (APR) ont décidé de participer aux assises, malgré le mot d’ordre de boycott lancé par leur formation.

Cette séquence traduit la fin d’un cycle. Elle inaugure peut-être une ère nouvelle, marquée par la volonté de sortir des logiques binaires : fidélité contre rupture, opposition contre pouvoir, anciens contre nouveaux. Ce qui se joue désormais, c’est la possibilité de refonder le pacte social, de redéfinir le contrat de confiance entre l’Etat et les citoyens.

Le Sénégal a besoin d’un récit partagé. D’un cadre stable, juste, ouvert. D’une société où la loi s’applique à tous, où la transparence devient une culture, et où la solidarité ne relève plus du slogan mais d’une volonté collective. Ce pacte à réinventer ne se limite pas à quelques réformes institutionnelles ou à des promesses de conjoncture : il engage une vision de société, un engagement moral, une nouvelle discipline républicaine.

La présence de responsables politiques de l’ancienne majorité au Dialogue est un signal fort. Elle montre que le clivage n’est plus forcément là où on l’attend. Que des figures issues du pouvoir sortant peuvent aujourd’hui faire primer la Nation sur les logiques partisanes. Cela ne les absout de rien, mais cela ouvre la voie à une conversation nationale plus honnête, moins frontale, plus tournée vers l’avenir.

Il ne s’agit pas de pactiser avec les errements du passé. Il s’agit de faire mieux, ensemble. De faire peuple. De faire société. Car les urgences sont nombreuses : cohésion sociale menacée, chômage endémique, système de santé sous pression, école à bout de souffle, inégalités territoriales criantes… Ce sont là les vrais défis. Ceux qu’aucun parti seul ne peut relever. Ceux qui exigent un sursaut collectif.

Le Dialogue national n’est ni un tribunal ni une foire politique. Il ne doit pas être une scène pour les ego, ni un paravent pour les calculs de survie. Il doit être l’amorce d’un nouvel esprit républicain, où chaque parole compte, chaque écoute construit, chaque désaccord nourrit la Nation.

Les Sénégalais regardent. Ils espèrent, mais ils jugent. Ils veulent des actes, pas des poses. Ils veulent une justice indépendante, des institutions fortes, une démocratie apaisée. Ils veulent croire que, cette fois, la politique parlera leur langue.

Aujourd’hui, c’est ce peuple qu’il faut entendre. Pas les égos. Pas les postures. Pas les arrière-pensées.

L’histoire regarde.


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