Le nom de leur haine, c’est Sonko

Par Mamadou Sèye

La haine est un sentiment vif, un feu qui consume l’âme. Mais parfois, elle dit plus sur celui qui la nourrit que sur celui qu’elle vise. En ce moment, la haine contre Ousmane Sonko atteint un degré tel qu’elle ne peut plus être expliquée par de simples désaccords politiques. Ce n’est plus une opposition, c’est une fixation. Ce n’est plus du débat, c’est une rage froide, presque clinique.

Mais que hait-on vraiment en lui ? L’homme ? Le discours ? Le parcours ? Non. Ce qu’on hait, c’est ce qu’il a fait tomber.

Il a fait tomber un pouvoir que l’on croyait éternel. Il a balayé les rituels de connivence, les pactes muets, les circuits de reconnaissance qui faisaient du pouvoir un club privé. Il a brisé la chaîne alimentaire des privilèges. Et cette transgression-là, dans une société encore colonisée dans ses hiérarchies symboliques, c’est une hérésie.

Alors la haine s’est réveillée. Multiforme, mais toujours viscérale.

Les anciens du régime déchu le haïssent parce qu’il a mis fin à leurs cycles de prédation. Les intellectuels d’apparat le haïssent parce qu’il ne passe pas par eux pour penser. Les opposants professionnels le haïssent parce qu’il leur a volé la lumière sans demander la permission. Les diplomates officieux le haïssent parce qu’il leur échappe, ne leur mange pas dans la main, ne se laisse pas “briefer”. Les transfuges et les frustrés de l’intérieur le haïssent parce qu’il a survécu à leur trahison.

Mais ce qu’ils détestent par-dessus tout, c’est que le peuple l’a choisi.
Et que ce choix leur renvoie un miroir insupportable : le peuple n’a pas eu besoin d’eux.

Or, dans un ordre social dominé par la verticalité postcoloniale, rien n’est plus subversif que l’auto-désignation populaire.
Sonko n’a pas été adoubé. Il n’a pas été parrainé. Il est sorti du tumulte. Il est né dans le vacarme des frustrations, et il a su en faire un programme.

Et cela, ce n’est pas pardonnable.
Parce qu’il oblige chacun à se redéfinir. Parce qu’il rend obsolètes ceux qui vivaient de l’ambiguïté. Parce qu’il ferme la bouche à ceux qui n’ont plus rien à dire, à part leur hostilité.

Il n’est pas parfait, nul ne l’est. Mais il incarne une rupture, et cela suffit à faire trembler tout ce qui, jusqu’ici, se prétendait centre de gravité.
Son existence politique seule est une subversion. Il n’a pas besoin d’insulter : il dérange par sa seule présence. Et ceux qu’il dérange ne peuvent le contrer que par la haine, parce qu’ils n’ont plus d’idée, plus de souffle, plus d’avenir.

Alors ils le noircissent.
Ils projettent sur lui leurs propres échecs, leurs trahisons non assumées, leur fatigue historique.
Ils hurlent à la dictature quand ils perdent, après avoir chanté la démocratie quand ils régnaient par la matraque.
Ils se découvrent libertaires une fois privés de l’appareil. Mais le peuple ne les écoute plus. Alors ils se vengent sur Sonko.

Ce qu’ils haïssent, ce n’est pas un homme. C’est une brèche dans le système. C’est la peur de ne plus jamais retrouver leur hégémonie tranquille.
Ils haïssent la chute de leur monde.

Et dans ce vacarme de haine, il faut que la philosophie éclaire la route.
Spinoza disait que la haine est une tristesse accompagnée de la cause extérieure de cette tristesse.
Ils sont tristes de leur déclin, et Sonko devient le bouc émissaire de leur effondrement intérieur.

Sartre nous enseigne que haïr, c’est figer l’autre pour ne pas affronter sa propre liberté.
Ils préfèrent détester que de réfléchir.
Hegel dirait qu’ils refusent la dialectique, qu’ils veulent nier ce qui nie leur position de maître.
Mais le monde a tourné. Le peuple a mûri. La conscience est debout.

Et Sonko, qu’on le veuille ou non, est l’un des noms de cette nouvelle époque.


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