Par Mamadou Sèye
Adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale ce samedi 29 juin, la loi de finances rectificative pour l’exercice 2025 marque un tournant stratégique dans la gestion des équilibres budgétaires du Sénégal. Dans un contexte économique encore marqué par les incertitudes mondiales, les fluctuations des matières premières et les tensions internes sur les prix et le coût de la vie, le gouvernement a dû revoir sa copie pour maintenir le cap. Loin d’être une simple opération comptable, ce collectif budgétaire révèle une volonté de concilier rigueur macroéconomique et ambitions sociales.
Premier signal fort : la baisse du budget global, ramené de près de 18 000 milliards de francs CFA à 17 200 milliards, soit une contraction d’environ 1,7 %. Ce réajustement témoigne d’un réalisme budgétaire assumé, loin de l’euphorie expansive qui a caractérisé certains budgets antérieurs. Il s’agit d’adapter les prévisions aux recettes réellement mobilisables, notamment dans un environnement international tendu où les flux financiers extérieurs se font plus sélectifs et les coûts d’endettement plus élevés.
Mais cette baisse globale ne signifie nullement une politique d’austérité. Au contraire, les choix opérés traduisent une recentration assumée sur les priorités sociales, sécuritaires et stratégiques. Le gouvernement a maintenu, et parfois même renforcé, les allocations aux secteurs jugés essentiels : l’éducation, la santé, la sécurité, la diplomatie et les infrastructures. La gratuité de l’enseignement, la couverture maladie universelle et les efforts de protection du pouvoir d’achat sont reconduits, sinon consolidés. Ce qui démontre une volonté claire : préserver le socle social dans un contexte de fragilisation du tissu économique national.
Autre pilier de ce collectif : le financement extérieur. Sur ce terrain, le Sénégal confirme sa capacité à mobiliser l’appui de ses partenaires traditionnels. Plus de 165 millions de dollars sont attendus de la Banque mondiale, et près de 267 millions de dollars sont déjà décaissés par le FMI au titre de la facilité élargie de crédit. Ces appuis financiers, certes contraignants en termes de conditionnalités, constituent néanmoins une bouffée d’oxygène pour le Trésor public, d’autant qu’ils permettent de soutenir la balance des paiements et de maintenir la pression sur le franc CFA.
Le vote à l’Assemblée – à main levée, sans voix contre et avec seulement sept abstentions – témoigne d’un consensus politique rare sur un sujet budgétaire, souvent conflictuel. Il est vrai que le climat général, dominé par la volonté de stabilisation politique et de consolidation du pouvoir exécutif nouvellement en place, favorise ce genre de compromis parlementaire. Le gouvernement, de son côté, a su jouer la carte du réalisme, de la pédagogie et de la transparence pour faire passer les arbitrages sans frictions majeures.
Cependant, au-delà de l’arithmétique budgétaire, plusieurs défis restent entiers. D’abord, la soutenabilité de la dette, qui commence à grincer sous l’effet combiné de la baisse des recettes fiscales, du franc fort et des échéances à venir. Ensuite, la qualité de la dépense publique, trop souvent affectée par des lenteurs administratives, des doublons et des écarts entre allocations votées et crédits effectivement exécutés. Enfin, la nécessité d’une réforme fiscale courageuse, qui permettrait d’élargir l’assiette, de mieux capter les richesses générées dans l’économie informelle et de réduire la dépendance aux bailleurs internationaux.
Ce collectif budgétaire est donc moins une fin qu’un signal de méthode. Il témoigne d’un État qui cherche à faire mieux avec moins, à écouter les signaux faibles de la conjoncture, tout en refusant de sacrifier les attentes profondes d’une population en quête d’équité, de dignité et de résultats concrets. En somme, un budget rectificatif de transition, qui balise la voie d’un redressement prudent, avec un œil sur les équilibres financiers et l’autre sur la paix sociale.