Ousmane Sonko à Abidjan : l’axe de la maturité

Par Mamadou Sèye

Il y a des gestes qui dépassent les convenances diplomatiques. Des déplacements qui relèvent moins de la politesse républicaine que d’un engagement stratégique mûrement réfléchi. La visite d’Ousmane Sonko en Côte d’Ivoire entre dans cette catégorie rare de séquences politiques qui comptent, et qui, au-delà du folklore protocolaire, en disent long sur la vision d’un homme, les ambitions d’un Etat — et surtout, la cohérence d’un cap présidentiel assumé.

A Abidjan, le Premier ministre sénégalais n’a pas seulement serré des mains. Il a ouvert une perspective. Celle d’une coopération plus dense, plus efficace, plus audacieuse entre deux locomotives de l’Afrique de l’Ouest. Dans une sous-région parfois gangrenée par les replis souverainistes et les égos mal placés, Sonko a choisi le chemin de la construction commune. Une main tendue vers Alassane Ouattara, en toute responsabilité, loin des postures simplistes et des réflexes nationaux-centrés. Il faut dire qu’il ne s’est pas lancé à l’aveuglette : le fil conducteur est clair, et tient en un mot — les orientations du Président Bassirou Diomaye Faye.

Ceux qui le caricaturaient hier encore en tribun colérique, allergique à la diplomatie classique, devront revoir leur copie. Le leader de Pastef ne récite pas un vieux bréviaire militant : il met en œuvre, avec méthode et sobriété, la volonté d’un chef d’Etat qui, dès son investiture, avait annoncé la couleur. L’Afrique de l’Ouest ne se développera ni dans la division, ni dans le bavardage. Elle avancera par la complémentarité, l’intelligence partagée, et une souveraineté pensée à l’échelle régionale.

Le constat est froid, presque cruel : à peine 107 milliards de FCFA d’exportations sénégalaises vers la Côte d’Ivoire, 52 milliards en sens inverse. Pour deux pays aussi proches par la géographie, les flux humains, les modèles économiques et les trajectoires politiques, c’est une anomalie. Mais à cette lucidité, Sonko a répondu par des propositions. Relancer la commission mixte. Activer enfin le corridor Dakar-Abidjan-Praia. Stimuler les synergies industrielles et agricoles. En somme, traduire en actes cette ambition panafricaine que le président de la République a érigée en axe central de sa diplomatie.

Dans un contexte où la tentation du repli semble redevenir un réflexe politique en Afrique de l’Ouest, cette visite tranche. Pas une parole déplacée. Pas une critique voilée. Pas une tentative de se faire mousser. Juste une trajectoire claire : dire que le Sénégal veut travailler avec ses voisins, pour bâtir une souveraineté collective — économique, monétaire, sécuritaire, technologique. Avec méthode. Avec loyauté. Avec audace.

Sonko, à Abidjan, a prouvé que la fermeté n’est pas incompatible avec la diplomatie. Et que la fidélité à une ligne présidentielle n’interdit pas l’initiative personnelle, dès lors qu’elle est cohérente, utile et constructive. Le Président Diomaye Faye n’avait pas besoin de le dire : tout dans la démarche de son Premier ministre l’a rappelé. Une gouvernance sobre ne signifie pas effacée. Une diplomatie d’influence ne signifie pas arrogance. Et une loyauté active, c’est précisément cela : faire avancer la vision du chef tout en prenant sa part de responsabilité.

Alors oui, il y aura toujours ceux qui verront dans ce type de visite une opération d’image ou une tentative de séduction régionale. Libre à eux. Mais les peuples d’Afrique, eux, ont besoin de résultats. Et les signaux envoyés depuis Abidjan sont limpides : le Sénégal est de retour sur le terrain de l’initiative régionale. Avec un tandem à la barre : un Président visionnaire, un Premier ministre à l’exécution. Et un agenda commun : bâtir. Ensemble.


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