Quand Sonko regarde vers l’Est

Par Mamadou Sèye

En choisissant la Chine comme première grande destination hors d’Afrique, Ousmane Sonko signe un acte politique. Pas un simple voyage de courtoisie. Mais un message adressé au monde. Et aux Sénégalais. Derrière la soie des échanges bilatéraux, une volonté limpide : diversifier les partenaires, équilibrer les rapports, affirmer une souveraineté revisitée.

La visite du Premier ministre Ousmane Sonko en Chine ne peut être réduite à un agenda diplomatique banal. Elle ne s’évalue ni à la longueur du communiqué final ni aux images diffusées par les agences. Elle porte un poids symbolique fort. Elle dit quelque chose d’un nouveau logiciel. D’un nouvel imaginaire sénégalais. Car aller à Pékin, aujourd’hui, ce n’est pas simplement activer le levier asiatique du commerce international. C’est s’adosser à un modèle alternatif, puissant, à une vision multipolaire du monde. C’est tourner le dos, partiellement, à l’unilatéralisme occidental.

Depuis l’alternance de mars, Sonko et Diomaye cultivent une posture de rééquilibrage. Pas une rupture brutale, mais une reconfiguration. Ils ne claquent pas les portes de l’Europe, mais en entrouvrent d’autres à l’Est, en Asie, en Amérique latine, en Afrique du Sud. Une géopolitique du juste milieu, inspirée du non-alignement rénové. Pékin est ici le premier acte visible de cette stratégie.

Mais que cherche le Sénégal en Chine ? Du financement, certes. Mais pas seulement. De la technologie, de l’expérience en industrialisation, une main tendue dans les grands projets d’infrastructure. Un dialogue d’Etat à Etat, loin des diktats, des conditionnalités néocoloniales, des subventions assorties de missions d’observation. Une coopération à hauteur d’homme.

Ce voyage est aussi une réponse à des urgences : relancer l’économie nationale, rétablir l’équilibre des comptes, soutenir les grands chantiers publics. Or, la Chine offre souvent une rapidité d’exécution et une souplesse budgétaire que les partenaires occidentaux rechignent à accorder. Ce réalisme-là n’est pas de la naïveté. C’est de la politique.

Mais attention, camarade : nul ne doit se bercer d’illusions. La Chine n’est pas un père Noël rouge. Elle défend ses intérêts, parfois de manière féroce. Et c’est là que réside le pari de Sonko : bâtir une relation d’égal à égal, lucide, ferme, stratégique. Pas un nouveau paternalisme. Pas une nouvelle dépendance.

Ce voyage à l’Est, c’est aussi un message adressé à l’intérieur du pays. Celui d’un Etat qui ose penser en dehors des sentiers battus. Qui ne veut plus tendre la main, mais tendre des ponts. Qui assume de puiser ailleurs les outils de sa renaissance. Sans renier ses valeurs.

Alors, faut-il craindre Pékin ? Non. Il faut se préparer. Comprendre ses codes. S’immuniser contre les pièges. Et surtout, parler fort. Comme Sonko. Car à l’heure où le monde redevient un échiquier, mieux vaut être joueur que pion.

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